Cette fois-ci, la chronique que nous offre Jacques Bonnaure porte sur le CD de mélodies et œuvres pour piano par François Le Roux et Olivier Godin, publié par Passavant (PAS 1 18050)
« POEMES INTIMES ET AUTRES MELODIES
Sept ans après l’intégrale des mélodies de Jolivet réalisée par Sophie Marilley et Christian Immler, avec Filippo Farinelli au piano (Brilliant Classics), François Le Roux en a choisi les éléments les plus saillants de cette part assez négligée de son catalogue. Jolivet composa dès sa jeunesse deux brèves mélodies, Chewing Gum (poème de Claude Sernet) et La Mule de Lord Bolingbroke (Max Jacob) dans un style un peu cocasse et décalé (on était au temps du Groupe des Six et de l’Ecole d’Arcueil). Plus tard, il ne composera que des cycles. Les Trois Complaintes du soldat (1940) sur ses propres poèmes inspirés par son expérience de la guerre et de la défaite sont d’une expression directe et intense. Trois ans plus tard, il dédie à son épouse, pour le dixième anniversaire de leur mariage, les Poèmes intimes sur des textes de Louis Emié. Musique d’un lyrisme introverti mais ardent, elle est plus connue dans sa version avec orchestre mais le piano souligne mieux son intimisme. Après la guerre viendront presque simultanément les Trois Poème galants sur des poèmes des XVIe et XVIIe siècles où passe comme une ombre de néoclassicisme humoristique. En revanche, les quatre mélodies de Jardins d’hiver (poèmes de Georges Letilleul) reviennent à l’expression lyrique, dans un style musical très « sage » – Jolivet n’est décidément jamais où on l’attend et l’on peine à croire que ces pages soient contemporaines du bouillonnant et décapant Concerto pour piano. En guise d’intermède, on entendra cinq pièces pour piano. Deux sont assez développées, la Sarabande sur le nom d’Erik Satie (1925-1930) et surtout Sidi Ya-ya (1934) à l’harmonie post-impressionniste. Les trois autres sont de brévissimes danses (Fom bom bo, Algeria-Tango, Madia-Rumba) qui laissent entrevoir quel formidable auteur de musique de variété couvait (aussi) en lui.
Grand spécialiste de la mélodie française, François Le Roux inscrit ce nouveau domaine à son immense répertoire, finement secondé par Olivier Godin. Une substantielle notice rédigée par l’interprète accompagne le disque. »